Face à une recrudescence des cybermenaces d’origine étatique et à la sophistication croissante des attaques par IA, Microsoft déploie une initiative surprenante : un programme de cybersécurité gratuit à destination des gouvernements en Europe. Derrière cette démarche, l’enjeu est double : freiner la montée en puissance d’acteurs malveillants exploitant l’IA et renforcer la coopération transatlantique en matière de défense numérique. Cette initiative soulève aussi une autre question : jusqu’où les Big Tech peuvent-elles — ou doivent-elles — intervenir dans la souveraineté numérique des États ?
Un programme lancé en pleine tension géopolitique
Annoncé par Brad Smith, président de Microsoft, ce programme vise à partager plus activement des renseignements sur les menaces liées à l’IA et à renforcer les capacités de réponse cyber en Europe. Le contexte n’est pas neutre : ces derniers mois, l’Union européenne a été la cible d’une intensification des cyberattaques orchestrées par des groupes liés à la Chine, à l’Iran, à la Corée du Nord et à la Russie.
Microsoft, qui affirme surveiller l’usage de ses modèles d’IA et bloquer leur accès aux cybercriminels connus, veut ainsi transférer vers l’Europe une partie des outils développés aux États-Unis, dans une logique de cyberdéfense collective.
L’IA : à la fois menace et rempart
L’intelligence artificielle est désormais au cœur du bras de fer numérique. Si elle permet d’automatiser et de sophistiquer les attaques (phishing, désinformation, deepfakes), elle offre aussi des leviers puissants de détection, de prédiction et de réponse.
Brad Smith affirme que Microsoft n’a pas encore été confronté à une IA qui dépasse ses capacités de détection. Il insiste sur la nécessité de garder une longueur d’avance défensive : « Notre objectif doit être de faire progresser l’IA en tant qu’outil défensif plus rapidement qu’elle ne progresse en tant qu’arme offensive. » selon des propos repris par Reuters.
Un geste altruiste ou une stratégie d’influence ?
Offrir gratuitement un programme de cybersécurité aux gouvernements européens peut sembler généreux, mais s’inscrit aussi dans une logique d’influence technopolitique. Microsoft renforce ainsi sa présence institutionnelle en Europe, à l’heure où les débats sur la souveraineté numérique, la régulation de l’IA (AI Act), et la localisation des données deviennent centraux.
En se positionnant comme un partenaire stratégique, l’entreprise américaine devance les régulateurs, tout en consolidant sa légitimité dans un espace où les infrastructures critiques dépendent fortement de prestataires non européens.
Se dirige-t-on vers une cybersécurité hybride, transatlantique et sous influence ?
L’initiative de Microsoft montre à quel point la cybersécurité devient un enjeu géopolitique majeur. Elle confirme aussi que l’IA ne se résume pas à une technologie : elle est un terrain d’affrontement, de régulation et de coopération. Reste à savoir comment les gouvernements européens intégreront cet appui sans brader leur autonomie numérique. Et si d’autres géants du cloud suivront la même voie.