Netflix semblait jouer sur du velours. Boostée par une stratégie publicitaire plus agressive, une répression du partage de comptes et une croissance continue de ses revenus, la plateforme de streaming était attendue au tournant. Pourtant, malgré un bénéfice supérieur aux attentes pour le deuxième trimestre 2024, l’action du géant du streaming a chuté de plus de 4 %. En cause : des prévisions financières jugées peu convaincantes car largement portées par la faiblesse du dollar américain, et non par une dynamique intrinsèque du marché.
Un bon trimestre… mais des marchés sceptiques.
Avec un bénéfice par action de 7,19 dollars contre 7,08 attendus, Netflix dépasse les attentes. La plateforme revendique une bonne santé, portée par ses contenus phares — notamment la suite de la série sud-coréenne à succès Squid Game — et une base d’abonnés en pleine expansion grâce à ses offres financées par la publicité. La stratégie de verrouillage des comptes partagés semble aussi porter ses fruits, contribuant à recruter des dizaines de millions de nouveaux utilisateurs.
Cependant, les prévisions de revenus annuels, désormais comprises entre 44,8 et 45,2 milliards de dollars (contre 43,5 à 44,5 précédemment), ont été expliquées non pas par une envolée de la demande, mais par un facteur externe : la dépréciation du dollar américain. Cette donnée macroéconomique rassure peu les analystes qui attendaient des perspectives fondées sur des indicateurs internes plus robustes, comme les abonnements ou le temps passé sur la plateforme.
Une dynamique de croissance fragile ?
Dans un marché où les investisseurs valorisent déjà Netflix à plus de 517 milliards de dollars, ils attendent de l’entreprise qu’elle fournisse des signaux forts de croissance. Le moindre indice de stagnation ou de manipulation comptable déclenche aussitôt une correction boursière. C’est exactement ce que les marchés sanctionnent aujourd’hui. En décidant de ne plus publier son nombre d’abonnés, Netflix prive les analystes d’un indicateur clé de performance et remplace cette lisibilité par des métriques de rentabilité plus floues.
Michael Ashley Schulman, directeur des investissements chez Running Point Capital Advisors, estime que Netflix aurait dû afficher des résultats « exemplaires » pour justifier une valorisation aussi élevée, portée depuis des mois par une croissance quasi linéaire. Pourtant, la plateforme envoie des signaux d’essoufflement. Son modèle publicitaire, en dépit de sa montée en puissance, reste marginal comparé à l’abonnement, pilier historique de son activité. En masquant ses données sur les utilisateurs actifs ou les heures de visionnage, Netflix rend l’analyse de la performance de ses nouveaux contenus ou formats beaucoup plus difficile.
En adoptant ce silence, l’entreprise suit une tendance croissante dans le secteur tech : limiter la divulgation des indicateurs publics pour mieux maîtriser la narration financière. Si cette méthode peut rassurer les marchés à court terme, elle risque d’alimenter la défiance à moyen ou long terme.
Un troisième trimestre qui devra être plus convaincant ?
Netflix mise sur un second semestre solide : de nouveaux contenus très attendus, une diversification internationale encore en cours, et surtout, un renforcement de son offre financée par la publicité, qui pourrait séduire de nouveaux marchés et profils d’utilisateurs. Seth Shafer (S&P Global Market Intelligence Kagan) reste optimiste et souligne que ces leviers devraient contribuer à stabiliser — voire accroître — les revenus.
Les analystes semblent partagés : au moins seize d’entre eux ont toutefois relevé leur objectif de cours, avec un médian établi à 1 385 dollars, selon LSEG. Cela traduit un potentiel de croissance toujours présent, mais conditionné à une stratégie claire et des résultats moins ambigus.
Et finalement, quelles perspectives pour Netflix ?
Netflix ne déçoit pas sur le plan financier, mais sur le plan narratif. En mettant en avant le contexte monétaire plutôt qu’une véritable dynamique de croissance interne, la plateforme a semé le doute parmi les investisseurs. L’entreprise aggrave la situation en refusant de fournir des données précises sur l’évolution de sa base d’utilisateurs. Prépare-t-elle un repositionnement profond pour 2025 ou choisit-elle de rendre son modèle plus opaque ?
Pour conserver sa position de leader, Netflix devra démontrer qu’elle reste aussi robuste sur le plan économique qu’audacieuse dans ses choix éditoriaux. Pendant ce temps, ses rivaux — Disney+, Amazon Prime Video et Warner Bros Discovery — renforcent leurs offres, investissent dans l’intelligence artificielle, misent sur le sport en direct et intègrent davantage la télévision connectée dans leur stratégie commerciale et marketing.
Prochains marqueurs à surveiller : les résultats trimestriels de Disney+, les audiences numériques des JO 2024, et les adaptations du modèle publicitaire de Netflix dans les pays émergents.