Interview QoSi (4Gmark) : les smartphones Samsung nuisent-ils à la qualité de service de Free ?

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Depuis quelques jours, une polémique enfle autour des mesures de qualité de service publiées par l’Arcep : le comportement des téléphones Samsung sur le réseau Free serait à l’origine des mauvais résultats de l’opérateur. Ces critiques sont-elles fondées ?

L’utilisation du Samsung Galaxy S7 dans le protocole de test défini par l’Arcep a été vivement critiquée ces derniers jours. En effet, les smartphones Samsung auraient un comportement « conservatif », les poussant à rester connectés plus longtemps sur le réseau d’itinérance (Orange) lorsque celui-ci est disponible. En utilisant l’itinérance, essentiellement bridée et dégradée, les mesures seraient donc défavorables à Free. Le sujet a fait l’objet de tweets, de vidéos et d’articles plus ou moins virulents…

Free n’a émis « aucune objection » sur le choix d’un téléphone Samsung

Pour en avoir le cœur net, nous avons posé nos questions à Thierry Moncorger, fondateur et directeur marketing de QoSi. En plus d’éditer le logiciel de mesure 4Gmark, c’est cette société qui réalise les mesures de qualité sur le terrain pour le compte de l’Arcep.

Freenews : en quelques mots, quels sont les reproches adressés aux mesures ?

QoSi : En gros, une majorité de smartphones dont les Samsung et les iPhones, qui représentent une part incroyablement large du parc français, ont un comportement conservatif sur l’itinérance Orange chez Free. Ils restent en itinérance un certain temps, alors que parfois l’utilisateur pourrait avoir du réseau propre Free.

Pourquoi ce comportement ?

C’est probablement un réglage par défaut du roaming (l’itinérance). À la base le roaming c’est le cas de figure à l’étranger où vous êtes en itinérance sur un réseau partenaire de votre opérateur. Vous accrochez par exemple un opérateur à la sortie de l’avion, il n’y a pas de raison de changer cela toutes les minutes entre les différents opérateurs locaux du pays.

En France, Free, en attendant de couvrir tout le territoire avec son réseau propre, utilise le réseau d’Orange en dehors de sa zone de couverture, comme vous le feriez en passant la frontière. Donc une session initiée en zone d’itinérance va se poursuivre.

Pourquoi Samsung et Apple ont-ils ce réglage ?

C’est peut-être un réglage par défaut, qui suit une logique conservative pour ne pas pénaliser la batterie avec des recherches de réseau trop nombreuses. Encore une fois, l’utilisation de l’itinérance nationale est une spécificité de Free qui n’a pas encore de couverture totale du territoire. Samsung propose probablement ce réglage logique qui est adapté à l’utilisation originelle du roaming, c’est-à-dire à l’étranger.

Que faire pour améliorer cela ?

Nous dressons un constat. Les solutions sont à la charge de Free. Des twittos ont démontré que des profils sont existants pour un nombre très important d’opérateurs mais pas Free, pourquoi ? Peut-être est-ce possible via les réglages opérateurs émis pour le réseau ? Peut-être que Free a des difficultés avec Samsung et Apple ? Peut-être que Free ne travaille pas le sujet ? Peut-être que ce comportement est voulu ou souhaitable, par exemple pour éviter un basculement itinérance vers réseau propre en cours de sessions ou d’appel ?

Est-ce que cela a une incidence sur la qualité de service chez Free ?

Ce qui est primordial, c’est de prendre la problématique dans le bon sens. À la base, l’itinérance Orange, est officiellement et fortement bridée, pour tous les utilisateurs Free quel que soit leur smartphone. Ainsi, un utilisateur Free en itinérance Orange, a une qualité de service particulièrement dégradée sur l’ensemble de ses services data, y compris sous très bonne couverture (d’itinérance), alors que ce réseau est le numéro 1 depuis 7 ans.

Le sujet en question ne concerne que le délai nécessaire à un smartphone pour rebasculer en réseau propre Free après avoir trafiqué en itinérance Orange. Ce délai étant supposé plus long pour les Samsung et Apple.

Peut-on en conclure que la campagne menée pour l’Arcep est biaisée ?

En aucun cas. Ce comportement de lente remontée en réseau propre est avéré au niveau du grand public et non-spécifique de la campagne ARCEP. Ce comportement touche (a minima) les utilisateurs de smartphones Samsung et Apple qui représentent entre 45% et 70% du parc des terminaux 4G. Ceci n’est ni induit par un choix du prestataire, ni par l’outil (ndlr: 4Gmark), ni par le protocole. On parle de constructeurs retenus qui sont majoritaires en part de marché et ne souffrent d’aucun débat sur leur représentativité des consommateurs.

Qu’aurait-on dit d’un dysfonctionnement sur une campagne avec un terminal exotique utilisant un téléphone non natif (rooté ou jailbreaké) ? Certains proposent cela mais quid de la représentativité chez tous les opérateurs ?

Comment s’est fait le choix du terminal ?

Tous les opérateurs, Free y compris, font des recommandations de terminaux normalement basées sur leur représentativité dans leurs parcs d’abonnés. Avant la campagne, 4 terminaux ont été testés (iPhone 6S, iPhone 7, Samsung S7, Huawei P9), dont 2 sélectionnés au final. Free n’a émis aucune objection sur le choix du Samsung S7 et de l’iPhone 7 pour cette campagne. Free a insisté pour que l’achat soit bien effectué chez Samsung pour garantir la dernière version du firmware, permettant l’utilisation de la bande 700MHz.

Ce choix expliquerait donc les mauvais résultats de Free ?

Non. Pour commencer les mauvais résultats sont le fait que l’itinérance est officiellement bridée mais cela n’explique pas tout. La campagne ARCEP c’est de très nombreux indicateurs : autour d’une centaine sur la data et la campagne voix/sms. Le fait que l’itinérance soit limitée à 1Mbps n’explique pas qu’une petite page web ne se charge pas en moins 10 secondes. Pire encore, l’itinérance ne limite en rien la voix et les sms, et le réseau d’itinérance est celui d’Orange… 1er au classement.

L’effet est visible sur les axes où les mesures en continus initiées en itinérance tardent à accrocher (ou ne raccrochent pas) le réseau propre malgré sa disponibilité.

Mais les lieux réalisés en mode piéton (4 000 lieux voix/data en indoor + outdoor) ont le temps nécessaire pour un retour en réseau propre, si disponible, au vu du temps passé pour le lieu (environ 30 minutes) et le déplacement entre deux lieux (environ 20 minutes).

Mais, il y a bien un problème ?

Très certainement, un problème de qualité de service chez Free. En aucun cas, dans la campagne ARCEP. Le fait que ce problème soit existant sur des smartphones des deux premiers constructeurs mondiaux est représentatif des utilisateurs Français.

La campagne ARCEP présente donc un résultat démontrable et démontré. Son objectif est de mesurer la qualité de service pour les abonnés de Free (et pas comme entendu parfois la couverture ou le réseau propre). Même si être au pied du podium est regrettable, c’est une chance pour l’opérateur d’avoir un diagnostic et une vraie piste d’amélioration.

Avec le plus faible taux de couverture 4G (45% du territoire / 80% de la pop) et une partie encore non négligeable de la 2G/3G en itinérance bridée, Free est donc pour des raisons techniques évidentes logiquement en-dessous. C’est l’inverse qui serait questionnable.

Le sujet fait parler, avec de nombreux tweets et articles à votre encontre…

On constate de nombreux amalgames maladroits entre 4GMARK PRO l’outil, sa version des stores, la campagne Arcep, le prestataire…

Le protocole est largement disponible et est très exhaustif. Il n’est pas difficile de trouver des informations, de consulter nos nombreux éclaircissements sur Twitter ou citer la réponse de Julie Moncorger dans une interview sur Zdnet.fr (ndlr : à lire ici).

On a un peu le sentiment que les utilisateurs critiques se trompent de conclusion. Plutôt que de voir qu’il y a un problème sur Free pour les possesseurs de Samsung/iPhone, l’idée défendue serait qu’une campagne avec un téléphone moins représentatif ou sur une Rom modifiée présenterait de meilleurs résultats. « Meilleurs » pour Free, mais pas de meilleure pertinence…

Pourquoi ces débats sont toujours virulents ?

C’est parfaitement logique et représentatif de ce que l’on observe au national chez l’opérateur Free. Des utilisateurs en zone dense et réseau propre sont satisfaits des bonnes performances et d’une offre intéressante. Des utilisateurs en zone d’itinérance (ou en marge) subissent des désagréments et crient parfois au scandale. Les deux ne se comprennent pas mais leurs perceptions sont sincères.

Il n’est pas anormal pour un utilisateur largement satisfait de ne pas comprendre cette conclusion nationale de l’ARCEP sur la qualité de service. La campagne couvre toutes les strates de populations et est une présentation pertinente de la performance au global en France. D’ailleurs, 4Gmark — avec l’énorme volume de crowdsourcing, ses partenariats avec les régions et départements, cumulés à ses propres drive-tests — propose aussi un échantillon très représentatif des Français. Le technophile/urbain habituel utilisateur des outils de speedtesting, bien moins.

Une conclusion ?

Aujourd’hui notre conclusion, et merci à Freenews de nous proposer d’aborder le sujet avec objectivité, c’est que Free a fort à gagner à traiter le sujet. Il n’en va pas uniquement de son classement à l’ARCEP, qui, on l’a déjà présenté dépend avant tout de sa couverture propre 3G et 4G. Il en va de sa politique de Qualité de service pour ses clients. Nous mesurons et dressons pour l’ARCEP et aussi avec nos baromètres un constat indiscutable. Free a la main sur la solution technique à apporter.

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Rédactrice principale sur Freenews de 2009 à 2020. Il paraît que des personnes demandent de mes nouvelles depuis.

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