C’est une décision inédite qui risque de bouleverser l’écosystème du numérique en France selon Marc Rees pour l’Informé. Pour la première fois, des fournisseurs de VPN sont juridiquement contraints au blocage d’accès à des sites (IPTV) de streaming sportif illégal. À l’origine de cette offensive : Canal+ et la Ligue de football professionnel (LFP), bien décidés à faire respecter leurs droits face à la prolifération des plateformes pirates.
Le tribunal judiciaire de Paris donne raison à Canal+ et la LFP
Le tribunal judiciaire de Paris, saisi par Canal+ et la LFP, a statué le 29 avril dernier. L’objectif : obliger les VPN à empêcher l’accès aux 200 sites identifiés comme diffusant illégalement des compétitions sportives. Parmi eux : Rojadirecta, StreamEast, CricHD, LiveTV, et bien d’autres.
Sont concernés les matchs de Premier League, Ligue des Champions, Top 14, Ligue 1, Ligue 2, et Trophée des Champions.
Les services NordVPN, Proton, Cyberghost, Surfshark et ExpressVPN sont tenus de mettre en œuvre « toutes mesures propres à empêcher l’accès » à ces sites, dans un délai de 3 jours à compter de la notification du jugement. Ils devront également bloquer tous les futurs sites signalés par l’Arcom et — humiliation symbolique — afficher le jugement sur leur page d’accueil.
Une extension majeure de la lutte anti-piratage
Jusqu’ici, les autorités judiciaires ont imposé les mesures de blocage principalement aux FAI (fournisseurs d’accès à Internet) et aux résolveurs DNS. Désormais, la justice cible directement les VPN, qu’elle considère comme des intermédiaires techniques facilitant les infractions, au sens de l’article L. 333-10 du Code du sport.
Cette décision marque une avancée jurisprudentielle majeure : le tribunal ne qualifie pas les VPN de contrefacteurs, mais les rend responsables d’agir pour faire cesser les atteintes au droit.
En rejetant l’argument de la non-conformité de la législation française au droit européen, le tribunal envoie un message clair. L’économie des droits sportifs ne tolère plus les zones d’ombre. Pour les ayants droit comme Canal+, cette victoire représente un tournant stratégique : elle étend le champ d’action de la justice, à un moment où le piratage mine gravement la rentabilité des offres légales.
Les VPN en ligne de mire : et maintenant ?
Cette décision établit un précédent. Désormais, les fournisseurs de VPN doivent choisir : soit ils coopèrent avec la justice française, soit ils quittent le marché hexagonal. Cette situation rappelle celle d’OpenDNS (Cisco), qui avait préféré se retirer de France face à des contraintes juridiques similaires.
Il reste à observer la réaction des acteurs du secteur, très attachés à la confidentialité et à la neutralité du réseau. Certains pourraient tenter de contourner la décision en passant par des redirections internationales, ou saisir la cour d’appel, bien que cela n’interrompe pas l’obligation de blocage immédiate.
Côté utilisateurs, cette décision pourrait tourner une page : celle d’un accès illimité aux contenus du web via un VPN, y compris aux services les plus controversés. En filigrane, elle soulève une question essentielle : les VPN servent-ils à protéger la vie privée ou à contourner la loi ? Et quel rôle ces acteurs veulent-ils jouer dans la régulation d’Internet ?
Un bisou à qui se reconnaîtra 😀