Censurer un accès, c’est souvent en provoquer un autre. Le départ des plateformes Pornhub, Youporn et Redtube de l’Hexagone, en réponse à l’obligation de vérification de l’âge prévue par la loi SREN, a engendré une conséquence aussi prévisible que massive : une explosion de l’usage des VPN. Retour sur un effet boomerang numérique qui interroge sur l’efficacité des politiques de contrôle d’Internet.
Trois sites bloqués, une alternative activée.
Vendredi 31 mai 2025, Aylo – maison mère de Pornhub, Youporn et Redtube – rend ses plateformes inaccessibles depuis les IP françaises. En cause : son refus de se soumettre à l’obligation de vérification d’âge, jugée intrusive et inefficace. Conséquence immédiate : les internautes français se tournent en masse vers les VPN pour contourner le blocage, ce qui avait d’ores et déjà été le cas au Texas l’an dernier avec une situation analogue.
Les éditeurs de VPN rapportent des hausses fulgurantes :
- Proton VPN affiche +1000 % d’inscriptions en une journée
- NordVPN enregistre une hausse de +170 % d’utilisateurs français
L’accessibilité au contenu est donc maintenue… mais via une porte détournée.
Les VPN, réponse spontanée à une censure technique.
Ce phénomène n’est pas une surprise pour les observateurs des usages numériques. Dès qu’un contenu est bloqué, les internautes avertis migrent vers des solutions de contournement. Le VPN devient alors un outil démocratique et contestataire, parfois illégal, parfois protecteur.
Le problème ?
- L’objectif de la loi SREN – protéger les mineurs – est court-circuité.
- Les fournisseurs de VPN gagnent en parts de marché, sans aucune régulation française.
- Le blocage par IP devient une mesure largement inefficace à l’heure du web distribué.
Ce n’est pas la première fois : le même schéma s’est observé avec le streaming sportif ou les services IPTV pirates. Mais l’effet Pornhub est d’autant plus visible qu’il touche un tabou sociétal majeur.
Une classe politique en décalage ?
Jean-Noël Barrot et les soutiens de la loi SREN se félicitent de ce départ. Mais peuvent-ils réellement parler de victoire alors que l’effet est à ce point contourné ? L’exécutif semble ignorer que la pédagogie et l’innovation technologique pourraient être des réponses plus efficaces que le blocage.
L’absence de régulation des VPN en France interroge aussi : faut-il les encadrer ? Les interdire ? Ou au contraire, les intégrer dans un écosystème numérique fondé sur les droits, les libertés et la protection ?
Et maintenant ? Un précédent pour les autres secteurs censurés.
L’explosion des VPN consécutive à cette censure annonce-t-elle un précédent ? Qu’en sera-t-il des futures tentatives de blocage de services jugés inappropriés (réseaux sociaux, jeux vidéo, etc.) ?
Le cas Pornhub est révélateur d’une tension croissante : celle entre la régulation nationale et la fluidité globale du numérique. C’est une bataille que les États ne peuvent pas gagner seuls, sans dialogue avec les plateformes, les éditeurs d’outils comme les VPN et… les utilisateurs.
Réguler sans infantiliser.
Le cas français montre que les tentatives de contrôle vertical échouent face à la réalité horizontale du web. Une approche plus collaborative, basée sur la transparence, l’éducation et l’innovation, semble indispensable. Les VPN ne sont ni bons ni mauvais : ils sont les symptômes d’un Internet que l’on veut trop souvent contrôler sans comprendre.