L’administration Trump version 2025 fait un nouveau pas vers une déréglementation technologique et radicale de la régulation de l’IA aux États-Unis. Un projet de loi budgétaire introduit par les républicains à la Chambre des représentants prévoit d’interdire aux États américains de réglementer l’intelligence artificielle pendant une décennie. Derrière cette mesure se cache un basculement majeur dans la gouvernance numérique des États-Unis, qui pourrait consacrer l’ultralibéralisme algorithmique. Une initiative qui séduit les géants technologiques… et inquiète les défenseurs des droits civiques.
Une clause surprise, taillée sur mesure pour les Big Tech.
Deux jours avant sa mise en délibération, les républicains ont discrètement ajouté au projet de loi une disposition interdisant aux gouvernements locaux d’adopter ou de faire respecter des lois qui encadreraient l’intelligence artificielle. La seule exception : les textes visant à faciliter son développement ou à lever des barrières juridiques.
Concrètement, cette clause viserait tous les systèmes IA ou algorithmes automatisés, de la reconnaissance faciale aux moteurs de scoring pour l’emploi, le logement ou les prestations sociales. Les États qui, comme New York ou la Californie, avaient commencé à encadrer ces technologies se verraient ainsi neutralisés.
Un coup d’arrêt aux garde-fous locaux.
Plusieurs initiatives locales avaient pourtant émergé ces dernières années :
- New York impose des audits de biais sur les logiciels de recrutement IA ;
- La Californie impose une transparence dans l’usage de l’IA dans la santé ;
- Des procureurs généraux ont attaqué RealPage pour entente algorithmique sur les loyers ;
- SafeRent a réglé un recours pour discrimination raciale basée sur des scores IA opaques.
Si le texte est adopté, ces lois deviendraient inopérantes pendant une décennie. Une victoire pour les acteurs technologiques comme xAI (Elon Musk), OpenAI ou Palantir, qui s’étaient plaints du morcellement législatif entre les États.
Un alignement parfait avec la doctrine Trump.
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a rapidement annulé les décrets de l’ère Biden sur la régulation de l’IA. Il a promulgué le décret 14179 intitulé « Removing Barriers to American Leadership in Artificial Intelligence ». Objectif : donner aux entreprises les coudées franches, sans garde-fous considérés comme des freins à l’innovation.
Ce positionnement fait écho au lobbying intense de la Silicon Valley, qui alimente la campagne républicaine et promeut une vision minimaliste de la régulation. Certains industriels n’hésitent plus à revendiquer une souveraineté algorithmique fondée sur le marché, plutôt que sur les droits fondamentaux.
Innovation sans régulation, démocratie en danger ?
Derrière les arguments de fluidité administrative se cache un contournement profond du débat démocratique. Supprimer toute capacité d’encadrement local, c’est soustraire l’IA à la société civile, aux élus locaux et aux juridictions de proximité.
Lee Hepner, du American Economic Liberties Project, dénonce une protection législative offerte aux monopoles technologiques : « Ce projet de loi est une tentative radicale et imprudente de protéger certaines des plus grandes entreprises du monde de toute forme de responsabilité. »
La mesure pourrait également créer un précédent international. Si les États-Unis adoptent ce modèle de préemption fédérale au nom de l’innovation, d’autres nations pourraient suivre, affaiblissant les tentatives de régulation comme le Digital Services Act européen.
Une IA sous protection législative, mais pour qui ?
Le projet de loi républicain reflète une vision technocentrée du progrès, où l’innovation prime sur les droits. En bloquant toute régulation locale pendant dix ans, il transfère le pouvoir de la loi aux plateformes. Une victoire stratégique pour les Big Tech, mais une alerte pour tous ceux qui défendent une IA éthique, explicable et gouvernable. La démocratie algorithmique est-elle soluble dans le code ?
Source The Guardian.