La bande 6 GHz, convoitée à la fois par l’industrie du Wifi et celle du mobile, cristallise les tensions autour de l’usage du spectre hertzien. Alors que les travaux de la CEPT (Conférence européenne des postes et télécommunications) entrent dans leur phase finale, une solution de compromis pourrait voir le jour. Objectif : permettre aux deux technologies de partager la bande tout en limitant les interférences. Une avancée qui pourrait dessiner les contours des futurs réseaux, notamment dans la perspective de la 6G.
Une bande 6 GHz sous haute tension.
Depuis deux ans, le débat oppose deux visions. D’un côté, les partisans du Wifi (constructeurs d’équipements, opérateurs fixes, géants du numérique) souhaitent élargir la bande disponible pour le Wifi 6E et le futur Wifi 7. De l’autre, les opérateurs mobiles défendent un usage exclusif pour les réseaux mobiles, en particulier en prévision de la 6G.
La bande 6 GHz est divisée en deux segments : la partie basse (5925-6425 MHz) déjà ouverte au Wifi dans de nombreux pays, et la partie haute (6425-7125 MHz), encore objet de discussions. L’enjeu est de taille : cette bande offre un spectre large, essentiel pour garantir des débits élevés et une faible latence dans les zones denses.
Selon les derniers échanges au sein de la CEPT, une piste de compromis se dessine : autoriser le mobile en extérieur avec une puissance très réduite, tout en préservant l’usage du Wifi en intérieur. Cette approche miserait sur l’atténuation naturelle des murs pour limiter les risques de brouillage entre les deux services.
Une solution imparfaite mais pragmatique.
Le compromis proposé ne satisfait pleinement ni les opérateurs mobiles, ni les promoteurs du Wifi, mais il reflète une approche de plus en plus courante dans la gestion du spectre : la coexistence. Plutôt que de trancher entre deux usages exclusifs, les régulateurs cherchent à maximiser l’usage global de la ressource hertzienne, dans une logique d’optimisation.
La solution repose sur plusieurs constats techniques :
- Les bâtiments récents sont mieux isolés et atténuent davantage les signaux radio.
- Les usages mobiles intérieurs peuvent passer par le Wifi (VoWIFI), limitant le besoin de couverture mobile indoor.
- Les antennes mobiles à faible puissance pourraient éviter les brouillages majeurs tout en conservant un usage extérieur.
Toutefois, cette stratégie soulève des limites. D’une part, elle suppose une cartographie fine des usages et une ingénierie radio sophistiquée. D’autre part, la question du coût des fréquences reste en suspens : si la bande 6 GHz est vendue chère, les opérateurs mobiles risquent de ne pas investir dans des antennes à faible portée.
La bande 6 GHz, un test grandeur nature pour la régulation du spectre ?
Le débat sur la bande 6 GHz illustre un tournant dans la régulation des fréquences. À l’ère des usages hybrides, des réseaux convergents et de la saturation du spectre, la cohabitation devient un principe directeur. Si la solution retenue par la CEPT est confirmée, elle pourrait servir de modèle pour d’autres bandes, et annoncer une régulation plus souple, mais plus exigeante techniquement. Reste à savoir si cette cohabitation sera vraiment efficace sur le terrain… ou si elle ne fera que repousser le conflit à l’horizon de la 6G.