Free Mobile et Orange renouvellent leur contrat de partenariat d’itinérance sur les réseaux 2G et 3G. Alors que l’ensemble du secteur des télécoms prépare la fin de ces technologies vieillissantes, le nouvel accord prévoit une continuité de service jusqu’en 2028. Derrière ce contrat technique se cache un enjeu de fond : accompagner la transition vers les réseaux 4G/5G tout en maintenant une couverture minimale pour les utilisateurs dans certaines zones. L’Arcep entre en scène pour encadrer les modalités. Une opération essentielle mais sensible.
Un contrat pour accompagner la fin de vie des réseaux 2G/3G
Depuis son arrivée sur le marché en 2011, Free Mobile s’appuie sur une prestation d’itinérance fournie par Orange. Cet accord, initialement conçu pour permettre à Free de proposer une couverture nationale à ses débuts, a évolué au fil du temps. Dès 2016, sous l’impulsion de l’Arcep, les deux opérateurs ont convenu d’une trajectoire de désengagement progressif, avec un plafonnement des débits et une incitation tarifaire à la réduction de l’usage de l’itinérance.
Le nouveau contrat, signé en mai 2025 et notifié à l’Arcep, prolonge l’itinérance sur les réseaux 2G et 3G d’Orange du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028. Il prend en compte la volonté d’Orange d’éteindre progressivement ses propres réseaux 2G dès mars 2026 et 3G fin 2028. Free Mobile, de son côté, souhaite désactiver son réseau 3G pour libérer des ressources spectrales et les réaffecter à la 4G et à la 5G.
Les conditions du contrat sont strictes avec :
- Débits limités à 384 kbit/s en itinérance 2G/3G.
- Trafic plafonné à 1 % du total data de Free Mobile.
- Capacité des liens d’interconnexion réduite.
- Tarification incitative à la diminution du nombre d’utilisateurs concernés.
En contrepartie, Free Mobile s’engage à accélérer le déploiement de son réseau 4G/5G et à réutiliser les fréquences 3G libérées. Le contrat s’applique hors zones blanches 2G et hors zones où Free partage déjà un réseau 3G avec un autre opérateur.
Une transition technologique sous haute surveillance
Le prolongement de cet accord intervient dans un contexte de transition majeure. Les technologies 2G et 3G, bien qu’obsolètes d’un point de vue technique et économique, restent indispensables pour certains usages résiduels (appels d’urgence, M2M, anciens terminaux). L’extinction progressive de ces réseaux est un chantier complexe qui nécessite une coordination étroite entre opérateurs, régulateur et équipementiers.
L’Arcep, en tant que garant du bon fonctionnement du marché, a rappelé qu’elle analyse ce nouveau contrat à la lumière des objectifs de régulation définis par le Code des postes et communications électroniques (CPCE). Son rôle est d’assurer une concurrence loyale, de favoriser l’innovation, et de veiller à la continuité de service pour tous les usagers, y compris dans les zones les moins couvertes.
Pour Free, ce contrat représente une étape vitale. En externalisant une part résiduelle de son trafic 3G, l’opérateur peut accélérer la conversion de ses fréquences vers la 4G/5G, améliorer ses performances réseau et optimiser ses investissements. Mais cette dépendance à Orange reste surveillée de près par les concurrents et les autorités. Le plafonnement du trafic vise justement à éviter un effet d’aubaine qui nuirait au déploiement en propre.
Côté utilisateurs, ce prolongement permet d’assurer une continuité de service minimale pour les terminaux non compatibles 4G/5G. Il répond également à des enjeux de résilience dans certaines zones rurales où les réseaux Free restent encore en cours de densification. Pour autant, le débit limité rend cette connexion peu adaptée aux usages modernes (streaming, navigation fluide).
Ce qu’il faut surveiller d’ici 2028.
L’Arcep invite les acteurs du marché à faire part de leurs remarques sur ce nouveau contrat d’ici au 2 juillet 2025. Cette phase de consultation permettra d’évaluer les effets de l’accord sur la dynamique concurrentielle et l’investissement. Elle pourrait également conduire à des ajustements dans les années à venir.
Les principaux points de vigilance sont :
- Le rythme réel de désactivation du réseau 3G de Free Mobile.
- L’impact du plafonnement sur les utilisateurs finaux.
- La capacité de Free à tenir ses engagements de déploiement.
- L’utilisation efficace des fréquences libérées.
Ce contrat, bien qu’encadré, montre aussi la complexité de gérer la fin de vie des technologies mobiles. Il pourrait servir de modèle à d’autres accords dans les années à venir, notamment avec l’extinction programmée de la 2G chez d’autres opérateurs.
Un compromis entre réalisme technologique et équité concurrentielle.
En prolongeant leur accord d’itinérance jusqu’en 2028, Free Mobile et Orange actent ensemble la transition vers un monde sans 3G. Ce nouveau contrat, qui pourrait apparaître comme une simple extension technique, soulève en réalité de nombreuses questions : sur la résilience du réseau, sur la responsabilité des opérateurs face aux zones mal couvertes, et sur le bon usage du spectre. Pour Free, il s’agit d’une opportunité stratégique de modernisation. Pour Orange, d’une fin de service encadrée. Et pour l’Arcep, d’un exercice de régulation sous tension.
À mesure que la 5G s’impose et que la 6G s’esquisse à l’horizon, la gestion de l’héritage technologique devient un enjeu à part entière. L’équilibre trouvé ici pourrait bien préfigurer les politiques de transition à venir dans toute l’Europe.