En France, la régulation et la vérification de l’âge sur les sites proposant des contenus pour adultes continue de faire débat. Le groupe Aylo, propriétaire de Pornhub, Youporn et Redtube, a annoncé une nouvelle fois le blocage de ses sites pour les utilisateurs français. En cause : l’obligation de vérifier l’âge des internautes, confirmée par le Conseil d’État. Ce nouvel épisode révèle à quel point la mise en œuvre de cette régulation soulève des tensions entre protection des mineurs, libertés individuelles et efficacité technique.
Un retrait en réaction à une obligation légale renforcée.
Le 9 juillet 2025, le Conseil d’État a tranché : 17 sites pornographiques, dont ceux du groupe Aylo, doivent impérativement mettre en place un dispositif fiable de vérification de l’âge de leurs visiteurs. Une obligation relancée après des mois de bataille juridique, durant lesquels Aylo avait temporairement rouvert l’accès à ses sites suite à une suspension de la mesure par la justice.
Désormais, Pornhub, Youporn et Redtube sont de nouveau inaccessibles en France. Les visiteurs sont accueillis par un message accusant l’État français de « ne pas protéger les mineurs » et de « mettre en péril la vie privée des adultes ». Aylo considère que le flou juridique entourant les modalités techniques de cette vérification nuit autant à l’objectif de protection qu’au respect des libertés numériques.
Le débat sempiternel entre liberté numérique, protection de l’enfance et responsabilité industrielle.
Le retrait des plateformes d’Aylo pose plusieurs problèmes de fond. D’abord, il met en lumière l’absence d’un standard technique clair. Le Conseil d’État impose une vérification de l’âge, mais n’indique pas précisément quel outil utiliser (application, preuve d’identité, tiers de confiance…). Or, les plateformes estiment qu’une solution efficace porterait atteinte à la vie privée des utilisateurs, notamment en liant leur identité civile à leur consommation de contenus pour adultes.
Ensuite, ce retrait massif laisse un vide qui pourrait avoir un effet inverse à celui recherché : détourner les jeunes utilisateurs vers des plateformes illégales ou non régulées, souvent hébergées hors UE, bien plus permissives en matière de modération, de données personnelles et de protection contre les dérives.
Enfin, la réaction d’Aylo interroge sur le modèle économique des grandes plateformes pornographiques. L’accès libre est la base de leur trafic, de leur rentabilité publicitaire et de leur position dominante. Toute barrière à l’entrée, même légitime, remet en cause cet équilibre. Le bras de fer est donc autant politique que financier.
Quelles alternatives pour une vérification efficace et proportionnée ?
Plusieurs pistes sont susceptibles d’émerger à l’avenir :
- Une solution de vérification déportée sur les appareils, comme le propose Aylo, en rendant les téléphones ou ordinateurs capables de filtrer par défaut les contenus sensibles. Cela poserait toutefois d’importants défis techniques et soulèverait des questions de responsabilité (constructeurs, parents, éditeurs ?).
- Une initiative souveraine portée par l’Arcom, avec un tiers certificateur indépendant garantissant anonymat et contrôle d’accès. Une idée déjà discutée mais encore loin d’une mise en œuvre concrète.
- Un débat élargi à la protection des mineurs sur internet en général, en lien avec la parentalité numérique, l’éducation aux médias et la régulation des plateformes sociales, où les contenus sexualisés sont parfois diffusés hors cadre légal.
Une alerte pour le modèle réglementaire européen.
La décision d’Aylo de quitter une nouvelle fois le marché français souligne les limites d’une régulation trop floue ou trop rigide. Elle pose une question majeure pour l’Europe : peut-on concilier libertés numériques, responsabilité des plateformes et protection efficace des mineurs sans sacrifier l’un au profit de l’autre ? Ce débat mérite mieux qu’un affrontement front contre front. Il appelle à une architecture de solutions techniques, éducatives et juridiques concertées, qui reste encore à inventer.