La Commission européenne accuse TikTok d’avoir enfreint la Digital Services Act (DSA), en ne respectant pas ses obligations de transparence publicitaire. Ce manquement, s’il était confirmé, pourrait coûter très cher à ByteDance, maison mère du réseau social, avec une amende potentielle de 6 % du chiffre d’affaires mondial. Une première mise en garde d’envergure dans l’application concrète de la DSA.
La Commission européenne met TikTok en demeure
Jeudi 16 mai, Bruxelles a transmis ses conclusions préliminaires à TikTok, dans le cadre d’une enquête lancée en février 2023. La Commission reproche à la plateforme de ne pas avoir mis en place un référentiel publicitaire public, outil indispensable pour permettre aux chercheurs et aux utilisateurs de vérifier qui diffuse des publicités, quel public est ciblé et avec quel financement.
Cette obligation fait partie des exigences centrales de la DSA, la nouvelle réglementation européenne qui impose aux grandes plateformes numériques une plus grande transparence et une lutte accrue contre les contenus illicites ou trompeurs.
TikTok n’aurait pas fourni les données nécessaires concernant la nature des annonces, les paramètres de ciblage, ni l’identité des annonceurs. Une opacité dénoncée par la commissaire européenne Henna Virkkunen :
« La transparence de la publicité en ligne – qui paie et comment le public est ciblé – est essentielle pour protéger l’intérêt public. »
Une ligne de défense fragile pour TikTok
TikTok conteste une partie des accusations, sans nier les faits. Par la voix d’un porte-parole, la plateforme déclare soutenir les objectifs de la DSA, tout en estimant que les reproches de la Commission reposent sur des interprétations discutables, en l’absence de directives claires.
« Nous ne sommes pas d’accord avec certaines interprétations et attendons des lignes directrices cohérentes », affirme TikTok.
Un argument déjà entendu chez d’autres géants du numérique comme X (ex-Twitter) ou Meta, qui plaident eux aussi pour une application homogène et prévisible de la loi.
TikTok doit désormais fournir une réponse écrite aux observations de la Commission avant que celle-ci ne statue définitivement sur une éventuelle sanction. Si elle confirme l’infraction, l’amende pourrait atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial de ByteDance, soit plusieurs milliards d’euros.
Une affaire test pour le Digital Services Act
Ce dossier marque un tournant pour la DSA, entrée en vigueur en 2023. La Commission entend démontrer qu’elle dispose de moyens concrets pour faire respecter la loi, au-delà des principes. L’enjeu est clair :
- Imposer une transparence publicitaire effective
- Responsabiliser les plateformes vis-à-vis des contenus sponsorisés
- Préserver l’intégrité du débat démocratique, notamment en période électorale
D’ailleurs, TikTok fait également l’objet d’une seconde enquête sur sa gestion des risques liés aux élections. En ligne de mire : la modération des contenus politiques, les mécanismes de désinformation et les algorithmes de recommandation.
Cette affaire pourrait faire jurisprudence. Si l’UE parvient à obtenir une sanction exemplaire, elle enverra un signal fort à toutes les plateformes : le temps de l’autorégulation est révolu.