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États-Unis : un compromis fragile sur la régulation de l’IA divise gouverneurs et sénateurs

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Alors que les États-Unis tentent de trouver une ligne directrice pour encadrer l’intelligence artificielle, le Sénat propose un compromis controversé : instaurer un moratoire de cinq ans sur la régulation de l’IA au niveau fédéral, tout en laissant les États libres d’intervenir sur certains aspects sensibles. Un projet qui cristallise les tensions entre défense des libertés étatiques, intérêts industriels et impératifs de protection des citoyens.

Un moratoire de cinq ans sur la régulation fédérale de l’IA.

Le compromis le plus récent prévoit un gel partiel de la régulation fédérale sur l’intelligence artificielle pendant cinq ans, contre dix ans dans la version initiale. Cette initiative, portée par les sénateurs républicains Ted Cruz et Marsha Blackburn, autorise cependant les États à légiférer dans certains domaines : protection des enfants en ligne, droit à l’image ou à la voix pour les artistes.

La mesure inclut aussi une forme de sanction économique : tout État qui imposerait une réglementation générale sur l’IA ne pourrait pas bénéficier d’un nouveau fonds fédéral de 500 millions de dollars destiné au soutien de l’infrastructure IA. Initialement, Ted Cruz souhaitait même bloquer l’accès aux 42 milliards de dollars du plan national pour l’internet haut débit.

Des exemples concrets illustrent l’intérêt croissant des États pour ces régulations spécifiques : le Tennessee a adopté la loi ELVIS pour interdire l’usage de l’IA dans la création de contenus non autorisés reprenant la voix ou l’image d’artistes. Le Texas, de son côté, cible la création de deepfakes à caractère criminel, notamment à des fins de harcèlement ou de propagande violente.

Un fédéralisme technologique sous tension.

Le cœur du débat réside dans l’équilibre des pouvoirs entre fédéral et local. D’un côté, les sénateurs républicains estiment qu’il faut protéger l’innovation américaine des contraintes réglementaires excessives. De l’autre, de nombreux gouverneurs – dont 17 républicains – s’inquiètent de voir leur marge de manœuvre réduite. Ils rappellent que les États doivent pouvoir jouer leur rôle historique de « laboratoires de la démocratie ».

La sénatrice démocrate Maria Cantwell dénonce quant à elle une capitulation face aux géants de la tech. Selon elle, l’amendement Blackburn-Cruz ne protège ni les enfants ni les consommateurs, et constitue un nouveau cadeau législatif fait aux grandes entreprises technologiques.

Ce débat reflète les profondes divisions américaines sur la gouvernance numérique. Alors que l’Europe avance sur des textes comme le DMA ou l’AI Act, les États-Unis n’ont adopté aucune régulation majeure sur l’IA depuis des années. Ce moratoire, même réduit à cinq ans, pourrait encore freiner l’encadrement de technologies dont les effets sociétaux deviennent de plus en plus puissants et ambigus.

Une opportunité manquée ou un compromis bien pratique ?

Ce compromis révèle les fractures internes de la politique américaine en matière de technologie. Il marque un pas vers une autonomie étatique plus affirmée, mais au prix d’un flou persistant sur la régulation globale de l’IA. Dans un contexte où les usages de l’IA soulèvent des enjeux éthiques majeurs – désinformation, vie privée, droit d’auteur – l’absence d’une ligne claire au niveau fédéral pourrait laisser le terrain libre aux abus… et aux retards.

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