Le rapport relatif à la régulation des réseaux sociaux enfin publié

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Circonstance volontaire ou hasard du calendrier, c’est vendredi 10 mai 2019 et concomitamment à la visite de Mark ZUCKERBERG en France, qu’a été publié le rapport tant attendu sur les réseaux sociaux initié l’an passé par les mêmes protagonistes.

A l’origine, plusieurs constatations et notamment :

  • une alerte lancée par la National Whistlbowers Center consécutivement à l’étude de plus de 3.000 comptes Facebook ayant apporté leur soutien à des publications d’organisations considérées comme terroristes particulièrement actives sur les réseaux sociaux ;
  • la multiplication des propos homophobes  à caractère raciste sur ces mêmes supports et difficilement sanctionnables ;
  • la mise en évidence des limites de la Loi  pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) votée en 2004, qui ne permet pas de mettre ces nouveaux acteurs du quotidien, face à leurs responsabilités.

L’objectif de ce rapport sollicité par Mounir Mahjoubi, Secrétaire d’Etat en charge du Numérique, auprès de Frédéric Potier (Préfet, DILCRAH) et Serge ABITBOUL (chercheur INRIA, membre de l’ARCEP) : proposer dans un premier temps, une définition claire et nette de la notion de réseaux sociaux et dans un second temps, engager une réflexion sur leur poids et leur portée, dans la diffusion de contenus par le citoyen tout en proposant des solutions.

Tâche peu aisée si l’on souhaite dans le même temps garantir les libertés individuelles et limiter la propagation de propos ou de contenus abusifs.

La LCEN un dispositif préexistant en matière de régulation mais forcément limité en matière de réseaux sociaux.

Il est vrai que le système législatif français dispose d’ores et déjà, avec la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN), d’un dispositif légal qui a fait ses preuves et notamment en proposant quatre régimes de responsabilités spécifiques dévolus aux acteurs d’internet :

  • celui de l’hébergeur ou prestataire de stockage ;
  • celui de fournisseur d’accès internet ;
  • celui de commerçant en ligne ;
  • enfin, celui d’abonné.

Or, une Ordonnance de référé rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, est venue en avril 2010, qualifier Facebook d’hébergeur et ce dernier s’est vu décharger de toute responsabilité de propos diffusés de ce chef car n’en étant pas l’auteur.

Cette Ordonnance est très vite venue pointer du les nombreuses faiblesses de la LCEN en la matière, par ailleurs clairement confirmées par le Conseil Constitutionnel lui-même : elle n’impose en effet, pour que la responsabilité pénale du site soit reconnue par le juge, qu’un système « facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance [NDRL : des autorités compétentes] de ce type de données ».

En d’autres termes, la LCEN ne peut en aucun cas contraindre les sites hébergeant des contenus à surveiller en amont les publications mises en ligne et c’est là son véritable point noir.

Quel dispositif alors mettre en place afin de circonscrir la diffusion d propos litigieux via un réseau social ?

 Un équilibre demeure certes à trouver idéalement s’agissant de la pensée immédiate et de son expression, mais au-delà de cette perspective complexe et utopique à atteindre, c’est d’abord la mise en place d’une commission de régulation qui est proposée ; Facebook, YouTube, Snapchat, Twitter ou Snapchat ne présentant à l’heure actuelle aucune garantie individuelle, malgré une modération en amont souvent décriée, ce qui peut paraître contradictoire.

Or, l’existence de cette fonction de structuration et de contrôle de l’information joue un rôle essentiel dans la diffusion de contenus et dans la capacité des réseaux sociaux à prévenir ou accentuer les dommages en matière de cohésion sociale.

A cet égard, plusieurs pistes ont été explorées et demeurent à exploiter.

Un rapport écrit par qui, dans quelles conditions mais surtout dans quel but ?

Pour s’atteler à sa rédaction, trois fonctionnaires, rapporteurs permanents, auxquels ont été adjointes les compétences de représentants issus de différents ministères ou institutions publiques, se sont placés en immersion, au cœur de ces réseaux, notamment dans les locaux de Facebook à Dublin et à Barcelone, en Allemagne, à Berlin, où  la législation en matière de modération est beaucoup plus rigoureuse, mais également chez Google, Twitter, Snap, la Quadrature du Net ou bien encore Reporters Sans Frontières.

Plusieurs problématiques étaient d’emblée visées :

  • s’agissant des auteurs du contenu : leur identification et la mise en cause de leur responsabilité s’agissant des propos qu’ils ont tenus et diffusés via ces réseaux ;
  • s’agissant de la responsabilité des réseaux en eux-mêmes : la mise en place d’une organisation claire et visant à bannir drastiquement la haine en ligne ;
  • s’agissant des Etats et des autorités de tutelle ; la fixation de règles permettant l’incrimination et la sanction des auteurs.

Une solution s’impose : la création d’une autorité administrative indépendante et régulatrice.

La recherche de l’identité des auteurs avant tout :

Avant toute chose, c’est un véritable outil d’immersion et d’observation sur les algorithmes préexistants  qu’il est proposé de mettre en place au sein des réseaux, via des identités empruntées et à titre préventif.

Le but ? Identifier les auteurs des propos et institutionnaliser les procédures de contrôle mises en place tout en conservant une proximité avec la société civile.

Aucune autorité de sanction quant au fond du contenu, dont l’appréciation du caractère illicite  demeurera une prérogative du juge, ne lui étant conférée, cette commission administrative aura cependant la possibilité d’infliger des amendes aux réseaux pouvant représenter jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaires au niveau mondial.

Pour quel type de réseaux ?

Seuls les réseaux sociaux d’envergure seraient concernés et soumis à cette autorité de contrôle qui n’entend pas se disperser.

Parallèlement, le projet propose la mise en place d’un cadre européen de coordination visant à rendre plus souple et collaboratifs le cadre d’intervention des états membres.

En d’autres termes, le débat n’est pas neuf et le rapport rendu vendredi en marge de la visite parfaitement orchestrée de Marc ZUCKERBERG s’inscrit dans la droite lignée des dispositions légales régulièrement amorcées depuis de nombreuses années et notamment depuis 2017 date à laquelle une réflexion profonde était d’ores et déjà abordée, visant à mettre les réseaux sociaux face à leur responsabilité.

Gageons que le rapport ainsi rendu viendra alimenter les débats parlementaires sur le sujet, durant les mois à venir.

Pour accéder à la lecture de l’intégralité du rapport rendu : https://www.numerique.gouv.fr/uploads/rapport-mission-regulation-reseaux-sociaux.pdf





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Directrice de publication et d'édition.

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