Menaces sur les tarifs du dégroupage (suite)

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Suite de notre news de vendredi dernier.

Selon nos informations, tout procède à la base d’une décision de l’ART en date du 16 avril 2002 (cf. <http://www.art-telecom.fr/textes/avis/02/02-323.htm>) par laquelle le régulateur a modifié, comme l’y autorise la réglementation lorsque cela est justifié par des considérations visant à éviter autant que faire se peut les distorsions de concurrence, l’offre de référence d’accès à la boucle locale de FT : en effet, les modalités jusqu’alors en vigueur de l’offre de référence expliquaient en grande partie le fait que le dégroupage restait confidentiel, pénalisant d’autant l’essor du marché du haut débit.

C’est ainsi que l’ART est venue fixer de nouveaux tarifs, notamment pour le dégroupage partiel (qui à l’époque était aux alentours de 6 euros par mois sans le filtre, et qui après passage de l’ART est tombé à 2,9 euros avec le filtrage) et de nouvelles modalités opérationnelles, notamment en matière d’installation des équipements (plus besoin de recourir à une salle de cohabitation qui nécessitait de sortir en moyenne 40 000 euros avant même de pouvoir installer les équipements) qui ont pu permettre l’essor d’offres grand public basées sur le dégroupage, dont il est désormais acquis qu’il a incontestablement conduit à stimuler le marché et ramener la France dans le peloton de tête du haut débit.

FT a alors contesté devant le Conseil d’Etat cette décision de l’ART, estimant en effet que l’ART avait outre-passé les pouvoirs qui lui avaient été attribués. Parce qu’ils avaient intérêt au maintien de la décision attaquée, des opérateurs se sont joints à cette procédure en intervenant, c’est le cas de Free, Tele2 et de l’Association des Opérateurs (AFORST).

En effet, il y a un risque non négligeable que la décision de l’ART se voie annulée. Si elle est annulée, cela peut signifier que ce sont donc les tarifs antérieurs à l’offre issue de la modification d’avril 2002 qui vont alors s’appliquer sur la période allant de 2002 jusqu’à ce que de nouveaux tarifs voient le jour. Un risque non négligeable donc de voir le « coût » du dégroupage repartir à la hausse, alors que les gains de productivité font que cela devrait aller à la baisse, et au final, un risque de voir cassé net l’essor du haut débit car c’est grâce au dégroupage qu’ont pu voir le jour des offres innovantes mêlant accès Internet à très haut débit, téléphonie illimitée et TV numérique.

Après instruction de l’affaire, c’était aujourd’hui que le Commissaire du Gouvernement (représentant des pouvoirs publics chargé d’indiquer quel serait à ses yeux la décision idéale à prendre, sachant que la formation de jugement n’est pas obligée de suivre le commissaire du gouvernement, mais bon, en pratique, c’est le cas près de 9 fois sur 10) rendait ses conclusions.

Si sur la forme la Commissaire du Gouvernement recommande l’annulation de la décision de l’ART pour un vice de forme (l’ART, d’après la Commissaire du Gouvernement, n’a pas suffisamment fait preuve de transparence sur la question du choix de la méthode de fixation des tarifs), sur le fond la situation est loin d’être aussi dramatique qu’on pouvait le craindre. En effet, sur le fond, la Commissaire a au contraire balayé l’ensemble des arguments soulevés par FT, ce qui revient à valider la motivation retenue par l’ART pour fixer les tarifs du dégroupage. Tout en recommandant l’annulation, la Commissaire du Gouvernement a également rappelé qu’afin d’éviter un vide juridique, l’ART avait un devoir d’intervention en application de la réglementation en vigueur (qui pourrait voir la France condamnée pour manquement d’Etat par la Cour de Justice des Communautés Européennes), notamment du règlement européen du 18 décembre 2000, et donc de prendre une nouvelle décision en cas d’annulation, décision qui peut tout à fait valider rétroactivement les tarifs issus de la décision annulée, voire même proposer avec le recul des tarifs plus bas compte tenu des gains de productivités vérifiés sur cette période (alors qu’en 2002, c’était estimé) au regard du périmètre de lignes choisi (22 millions à l’origine, alors que d’après la Commissaire du Gouvernement, on peut se fonder sur 13 millions, donc in fine des coûts dégroupage plus réduits).

Bref, tel est pris qui croyait prendre… Sachant que pour l’instant, ce ne sont que des conclusions qui ne présument nullement de la décision finale du Conseil d’Etat, qui devrait intervenir d’ici les prochaines semaines.

Donc rien est gagné et il faut rester prudent.

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