À New York, lors des Upfronts 2025, Netflix et HBO Max ont révélé deux visions publicitaires diamétralement opposées de leur avenir. L’un parie sur la publicité ciblée et les technologies immersives, l’autre renoue avec une promesse éditoriale premium. En filigrane, deux réponses fines à la saturation du marché du streaming.
Netflix muscle son offre publicitaire globale.
Netflix revendique 94 millions d’utilisateurs mensuels pour son offre avec publicité, soit une progression spectaculaire depuis son lancement en 2022. Aux États-Unis, cette formule séduit plus que la télévision traditionnelle les 18-34 ans. Les abonnés y consacrent en moyenne 41 heures par mois, preuve d’un engagement fort.
La plateforme met l’accent sur la qualité de l’attention publicitaire : selon Amy Reinhard, ses contenus captivent autant que les annonces. C’est cette combinaison qui permet aux marques d’obtenir un ROI supérieur à celui observé sur les chaînes connectées.
Netflix entend devenir un acteur publicitaire à part entière. Il déploie sa suite propriétaire Netflix Ads Suite dans 12 pays d’ici juin. L’outil intègre segmentation avancée, intégration de données via LiveRamp, et une stratégie de clean room pour préserver la confidentialité.
L’intelligence artificielle générative est également de la partie : des formats dynamiques adaptés au contexte du spectateur seront proposés à partir de 2026. Le but : transformer les pauses pub en moments interactifs à forte valeur pour l’annonceur.
Un marketing intégré et créatif au service des marques.
Netflix propose un écosystème intégré : ses équipes marketing accompagnent aussi bien les séries maison que les campagnes de marques partenaires. Marian Lee, directrice marketing, cite des co-brandings réussis avec Wendy’s ou Booking.com autour de la saison 2 de Wednesday.
Côté contenus, Netflix reste très offensif : documentaires sportifs live (NFL, boxe féminine, WWE), nouvelles séries (The Body, All the Sinners Bleed, Star Search), et blockbusters internationaux (Denzel Washington, Jamie Foxx).
Netflix affirme vouloir offrir une programmation sans grille fixe, pensée pour tous les publics et toutes les humeurs. Bela Bajaria confirme une ambition transversale, à l’heure où le streaming entre dans une phase de consolidation.
HBO Max revient à ses fondamentaux éditoriaux.
À contre-courant, Warner Bros. Discovery a surpris en annonçant le retour de la marque HBO Max, abandonnée en 2023 au profit du nom plus générique « Max ». Ce revirement stratégique, salué par les rires de la salle, réaffirme le pouvoir d’une marque éditoriale forte.
Selon JB Perrette, les données consommateurs montrent que les spectateurs ne demandent pas plus de contenus, mais de meilleurs contenus. Casey Bloys, patron des programmes, insiste : HBO Max dit clairement « ce que nous faisons : de la qualité ».
La nouvelle identité visuelle d’HBO Max, attendue pour l’été 2025, joue sur l’héritage visuel original tout en affirmant une position premium, face à une offre globale devenue pléthorique et souvent interchangeable.
Le pari de la qualité face à la course à la quantité.
Depuis sa fusion avec WarnerMedia, le groupe Warner Bros. Discovery a affiné sa stratégie. Les succès critiques comme The Last of Us ou The White Lotus servent d’ancrage à une ligne éditoriale exigeante. L’objectif affiché est clair : dépasser les 150 millions d’abonnés d’ici 2026, sans sacrifier la qualité.
Ce repositionnement vise à renforcer la singularité d’HBO Max dans un univers où la technologie seule ne suffit plus à fidéliser. Le message est limpide : payer pour une expérience culturelle haut de gamme reste une promesse viable, à condition qu’elle soit tenue.
Deux visions irréconciliables ?
Netflix et HBO Max s’éloignent dans leurs visions du streaming. Le premier bâtit une régie mondiale mêlant IA et data. Le second réactive la puissance symbolique d’une marque éditoriale exigeante. Deux stratégies fondées sur des convictions opposées : l’attention vs. l’intention, la masse vs. l’élite, l’algorithme vs. la création.
La question reste ouverte : dans un marché post-croissance, quel modèle saura mieux fidéliser – et monétiser – son audience ? Les années à venir offriront un terrain d’expérimentation à grande échelle. Pour les freenautes, le choix ne sera pas qu’une affaire de goût : ce sera aussi une affaire de confiance dans le modèle qui façonne les récits de demain.