La 5G, introduite en France fin 2020, s’impose désormais comme une technologie incontournable. Alors qu’elle peinait à convaincre lors de ses débuts, entre critiques sur la couverture, interrogations sanitaires et usages peu différenciants, elle affiche aujourd’hui une dynamique impressionnante. Fin mars 2025, le nombre de cartes SIM actives en 5G atteignait 26,6 millions, contre 16 millions un an plus tôt. Une croissance fulgurante de plus de 10 millions d’utilisateurs en douze mois, qui confirme une bascule massive du marché mobile.
Comment expliquer cette accélération ? Quels impacts sur les réseaux historiques 2G/3G voués à disparaître ? Et surtout, quelles perspectives pour les opérateurs et les usagers ?
La 5G devient un standard de fait.
Une adoption qui s’accélère depuis 2024.
Selon les derniers chiffres de l’Arcep arrêtés au 31 mars 2025, la France compte 26,6 millions de cartes SIM actives sur un réseau 5G. C’est plus du quart du parc total national, qui s’élève à 83,8 millions de cartes. Cette progression, essentiellement portée par les forfaits avec ou sans engagement, marque un véritable tournant.
En mars 2024, la France n’en comptait que 16 millions : en un an, ce sont donc plus de 10 millions de nouveaux utilisateurs qui ont migré vers la 5G. À titre de comparaison, l’année précédente n’avait vu qu’un gain de 5,7 millions. L’effet d’entraînement est donc réel et rapide.
Des offres 5G désormais généralisées
L’un des moteurs principaux de cette bascule réside dans la structure des forfaits. Les quatre grands opérateurs français – Free, Orange, SFR et Bouygues Telecom – incluent désormais la 5G dans la majorité de leurs offres, y compris sans surcoût chez Free Mobile.
Ce basculement tarifaire a permis de réduire la barrière à l’entrée. La 5G n’est plus un service premium, elle devient une commodité. Par ailleurs, le renouvellement naturel du parc de smartphones, souvent compatible 5G par défaut, participe à cette montée en puissance.
Une migration technologique… mais incomplète.
Si la 5G croît rapidement, la 4G reste omniprésente : 75,2 millions de SIM y sont connectées. Cela représente 90 % du parc actif. Cependant, cela signifie aussi que 10 % des cartes SIM – environ 8 millions – utilisent encore exclusivement les anciens réseaux 2G ou 3G.
Et c’est là que réside un problème : ces technologies sont en fin de vie. L’Arcep prévoit l’arrêt progressif de la 2G dès 2026, puis de la 3G à l’horizon 2028. Une frange encore non négligeable de la population risque donc d’être coupée si elle ne met pas à jour ses équipements ou forfaits.
Les enjeux sont importants, notamment pour les publics fragiles, les entreprises utilisant des objets connectés anciens (M2M), ou encore certains terminaux professionnels non compatibles.
5G : quels usages concrets aujourd’hui ?
En termes d’usage, la 5G offre théoriquement des débits bien supérieurs à la 4G, une latence réduite et des capacités de connexion accrues. Toutefois, dans la majorité des cas, l’usage reste similaire : streaming, navigation, messagerie.
La bascule vers une 5G plus différenciante interviendra surtout avec le déploiement massif de la 5G SA (Standalone), encore très marginale en France à ce jour. Elle seule permettra d’accéder à des services innovants : réseaux privés, qualité de service différenciée, communication ultra-fiable pour les objets industriels.
Pour l’heure, la 5G NSA (Non-Standalone), majoritairement déployée, repose sur une infrastructure 4G existante, ce qui limite ses effets.
Une transition nécessaire mais à plusieurs vitesses.
Le défi de la fracture technologique
Si le passage à la 5G s’accélère dans les grandes métropoles et zones bien couvertes, il reste des zones blanches ou grises où l’accès à la 4G – et donc à la 5G – est encore inégal. L’Arcep souligne les efforts des opérateurs, mais aussi les retards persistants dans certains territoires.
Cette transition vers la 5G pose donc une question d’équité numérique : comment éviter que certains usagers soient laissés sur le bord de la route technologique ? L’arrêt de la 2G/3G pourrait accentuer cette fracture, notamment pour les seniors ou les zones rurales mal desservies.
Une pression accrue sur les infrastructures
Le boom de la 5G implique aussi une montée en charge des réseaux. Les opérateurs doivent investir massivement dans les antennes, la fibre pour raccorder les sites et la gestion logicielle des pics de trafic. La consommation moyenne de données explose : plus de 15 Go/mois par usager en France, tous réseaux confondus.
Free, en particulier, mise sur une couverture étendue de la 5G sur la bande 700 MHz, et amorce l’activation de la 5G SA sur la bande 3,5 GHz. Mais cette densification a un coût – financier, environnemental, énergétique – qui devra être mieux mesuré à l’avenir.
Que peut-on attendre à court et moyen terme ?
Une mutation accélérée du parc.
À ce rythme, la France pourrait compter plus de 35 millions de cartes SIM actives en 5G dès mi-2026, soit près de la moitié du parc. D’autant que le recyclage des smartphones, l’abaissement des prix des terminaux compatibles et la simplification des forfaits vont continuer à favoriser cette bascule.
Les opérateurs devront cependant veiller à éviter l’illusion du progrès : la 5G doit se traduire par une meilleure qualité de service, pas uniquement par un sigle affiché en haut de l’écran. La transparence sur les débits réels et la couverture reste un enjeu majeur.
Vers une 5G industrielle ?
C’est l’un des leviers les plus attendus. Au-delà des usages grand public, la 5G promet une révolution dans les domaines industriels, logistiques, médicaux ou urbains. Réseaux privés d’entreprise, objets connectés, villes intelligentes, agriculture de précision : tout cela repose sur des promesses de la 5G SA.
Or pour l’instant, cette dimension reste embryonnaire. Il faudra des incitations claires (financières, réglementaires), des partenariats solides (avec l’écosystème industriel) et une réelle volonté politique pour en faire une réalité.
Une révolution à confirmer
Le cap symbolique des 26,6 millions d’utilisateurs 5G marque une étape décisive dans la transition numérique française. La 5G n’est plus un pari, c’est une réalité pour un tiers des cartes SIM du pays. Reste désormais à transformer l’essai : passer d’un réseau de consommation à un réseau de transformation.
Cela passe par un déploiement plus équitable, une montée en qualité de service, et surtout, une utilisation vertueuse et innovante de cette technologie. La course est lancée. Mais la vraie 5G – celle qui changera la société – reste encore à inventer.