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Interdiction des smartphones avant 15 ans : vers une loi choc ?

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L’usage précoce des smartphones inquiète de plus en plus de parents, enseignants et professionnels de santé. Une nouvelle proposition de loi, déposée par deux députés de bords opposés, entend faire interdire leur vente aux moins de 15 ans. Une initiative qui intervient dans un climat tendu, sur fond de faits divers tragiques et d’appels à une meilleure protection des mineurs dans l’univers numérique.

Une proposition de loi transpartisane pour encadrer l’accès au numérique.

Le 12 juin 2025, Le Figaro révélait que les députés Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) et Ayda Hadizadeh (Parti socialiste) s’apprêtaient à déposer un texte transpartisan. Leur objectif : interdire la vente de smartphones aux enfants de moins de 15 ans. L’argument principal est limpide : les risques associés à une exposition précoce aux réseaux sociaux, à la surexposition aux écrans et à la perte de repères sociaux et familiaux.

Les porteurs du texte comparent l’usage du smartphone chez les plus jeunes à celui du tabac ou de l’alcool, deux produits dont la consommation est interdite aux mineurs pour des raisons de santé publique. « Le smartphone est une bombe à retardement, une arme de destruction massive du lien entre enfants et parents », a déclaré Patrier-Leitus. Quant à sa collègue socialiste, elle insiste sur l’enjeu parental : « Cette loi va aider les parents à tenir des interdits. »

Des smartphones, oui… mais simplifiés et sans accès Internet.

Les auteurs de la proposition de loi ne préconisent pas un retour à l’âge de pierre, mais un encadrement plus strict. Ils souhaitent réserver l’accès aux smartphones aux adolescents d’au moins 15 ans, tout en favorisant des modèles dits « à service limité » pour les plus jeunes. Ces appareils, qui permettent uniquement les appels et les SMS, pourraient être labellisés par les pouvoirs publics pour rassurer les familles.

Ce label permettrait aux fabricants de proposer une nouvelle gamme de téléphones pensée pour les enfants, sans accès à Internet ni aux plateformes sociales. Un moyen de contrer les effets néfastes du défilement infini de TikTok, Instagram ou Snapchat, accusés de favoriser l’isolement, la dépression ou encore la cyberdépendance.

Une réponse politique à une urgence sociale.

Cette proposition intervient dans un contexte chargé. Le 10 juin, une surveillante à Nogent-sur-Oise a été poignardée par un élève de 14 ans. Immédiatement, le président Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’interdire les réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans. Il avait déjà évoqué en 2023 l’idée de restreindre l’usage du smartphone avant 11 ans, sur recommandation d’un groupe d’experts.

Ce texte pourrait donc venir donner corps à cette ambition, en offrant un levier législatif aux collectivités locales, aux parents et aux établissements scolaires. Il rejoint également une tendance mondiale : aux États-Unis, certains États comme le Texas ou la Floride ont déjà envisagé de restreindre les usages numériques des plus jeunes. En Chine, TikTok est bridé pour les mineurs en durée et en contenu.

Quelles difficultés techniques et juridiques à surmonter ?

Malgré son apparente simplicité, une telle interdiction soulève des questions complexes. D’abord, l’identification de l’âge de l’utilisateur reste une difficulté technique majeure. Comment vérifier de manière fiable l’âge d’un acheteur ? Par quels moyens techniques ou administratifs ?

Ensuite, les dérives possibles inquiètent : des achats par délégation, des reventes informelles, ou l’import de modèles non labellisés pourraient saper l’efficacité du dispositif. Enfin, une question se pose : s’agit-il d’une mesure utile ou d’une interdiction symbolique ?

Une bataille à venir dans l’hémicycle et dans l’opinion.

Le texte sera proposé à la cosignature cette semaine, avec l’espoir d’être inscrite lors de la semaine transpartisane de décembre à l’Assemblée nationale. Soutenu par Édouard Philippe, ce projet pourrait rassembler au-delà des clivages classiques. Mais le débat promet d’être vif : entre liberté des familles, droit à l’équipement numérique, protection de l’enfance et liberté d’entreprendre, les lignes de front sont multiples.

Des organisations comme e-Enfance, la CNIL, mais aussi UFC-Que Choisir ou la Ligue de l’enseignement pourraient être auditionnées pour nourrir le débat. L’enjeu est crucial : éviter une fracture numérique supplémentaire tout en replaçant l’humain au centre de la technologie.

Une norme sociétale nouvelle ?

Le smartphone est devenu le prolongement du corps pour une génération. En vouloir réguler l’usage est légitime, mais implique un dialogue ouvert entre familles, écoles, institutions et acteurs du numérique. L’enjeu ne se limite pas à un simple interdit : il s’agit de redéfinir les conditions d’une autonomisation progressive, saine et responsable des jeunes face à un monde connecté.

Ce débat pourrait poser les jalons d’une nouvelle norme sociétale : un numérique à hauteur d’enfant. Reste à en définir les contours et à en assumer collectivement le coût politique et culturel.

Source Le Figaro

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