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Microsoft prêt à jouer le jeu de l’UE sur l’IA, Meta fait de la résistance

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Alors que l’Union européenne met en œuvre l’un des cadres réglementaires les plus ambitieux au monde en matière d’intelligence artificielle, (dont le code de pratique relatif à IA par l’UE), deux géants de la tech adoptent des postures radicalement différentes. Microsoft se montre favorable au code de pratique volontaire, qui accompagne la nouvelle législation européenne sur l’IA, tandis que Meta refuse catégoriquement de le signer, pointant des « incertitudes juridiques » et une portée « excessive ». Ce clivage n’est pas qu’un simple désaccord administratif. Il révèle les tensions croissantes entre souveraineté numérique, stratégie d’influence réglementaire et confrontation entre deux visions du futur de l’IA.

Un code de bonne pratique et de déontologie pour encadrer les modèles d’IA.

Depuis le 2 juin 2024, la loi européenne sur l’intelligence artificielle (AI Act) est entrée en vigueur, avec une mise en application progressive prévue jusqu’en 2026. Elle s’accompagne d’un code de pratique volontaire, rédigé par un panel de 13 experts indépendants, destiné à guider les entreprises dans la mise en conformité de leurs modèles d’IA à usage général.

Ce code ne se substitue pas à la loi, mais il préfigure les obligations futures : traçabilité des données d’entraînement, respect des droits d’auteur, publication de résumés documentés sur les corpus utilisés, auditabilité, transparence sur les mécanismes de décision des IA génératives… Autant de mesures qui ont pour objectif d’accroître la confiance des citoyens européens dans les technologies émergentes.

Les signataires s’engagent notamment à :

Microsoft : entre coopération et pragmatisme.

Le président de Microsoft, Brad Smith, a affirmé à Reuters que l’entreprise était « probablement prête à signer » ce code, même si une analyse complète des documents est encore en cours. Cette posture reflète la stratégie cohérente du partenariat public-privé, adoptée de longue date par Microsoft en Europe.

L’entreprise, qui a investi massivement dans OpenAI et Copilot, affiche sa volonté de collaborer avec les autorités européennes. Elle multiplie les déclarations d’intention positives, les participations aux consultations, et s’efforce de se poser en acteur responsable, particulièrement sur des sujets sensibles comme l’éthique algorithmique, la cybersécuritéou la protection de la propriété intellectuelle.

« Ce que nous saluons vraiment, c’est l’engagement direct du Bureau de l’IA avec l’industrie », a précisé Brad Smith, soulignant la dimension coopérative du dialogue avec Bruxelles.

Cette politique mise en place par Microsoft est claire : jouer la carte de la régulation européenne pour asseoir sa légitimité face aux critiques sur la dépendance à OpenAI, tout en consolidant sa position sur le marché du cloud et des services IA en Europe.

Meta : une opposition assumée au cadre européen.

À l’inverse, Meta refuse de signer le code. Joel Kaplan, vice-président des affaires publiques mondiales, a dénoncé un texte aux « contours juridiques incertains », qui irait « bien au-delà » du cadre fixé par l’AI Act. Dans un billet publié sur LinkedIn, il alerte sur un risque de frein à l’innovation pour les développeurs européens et de distorsion de concurrence.

Meta n’est pas seule dans cette opposition. 45 entreprises technologiques européennes ont également critiqué le texte, affirmant qu’il introduit une charge réglementaire excessive, au détriment de la compétitivité locale.

Ce refus est conforme à une ligne de conduite dictée par Meta, déjà à l’œuvre lors des débats sur le Digital Services Act (DSA) ou le Digital Markets Act (DMA). L’entreprise y défend régulièrement une vision plus souple, centrée sur l’autorégulation, et conteste ce qu’elle considère comme une interventionnisme technocratique européen.

En ligne de mire : l’obligation de dévoiler des éléments critiques sur la formation des modèles, les jeux de données utilisés et leur conformité juridique, ce que Meta considère comme une menace stratégique pour ses modèles maison, dont LLaMA 3.

Deux visions de l’intelligence artificielle.

La différence d’approche entre Microsoft et Meta renvoie à deux conceptions antagonistes de la gouvernance technologique assez claires :

Cette divergence n’est pas anodine, car elle pourrait bien façonner durablement le paysage de l’intelligence artificielle en Europe, à un moment où les institutions européennes cherchent à relocaliser la valeur technologique et à limiter la dépendance aux géants extra-européens.

L’Europe face au dilemme de l’innovation contrôlée.

Le code de pratique soulève un dilemme d’importance pour l’Europe : comment réguler sans étouffer l’innovation ?

Pour certains experts comme Andrea Renda (CEPS), l’UE a tout intérêt à assumer un rôle de puissance normative. Elle peut imposer ses standards, comme elle l’a fait avec le RGPD ou REACH, et créer un marché unique de la confiance numérique.

Mais d’autres voix, comme celles de la fondation européenne pour l’innovation digitale (EDiMA), s’inquiètent d’un effet dissuasif sur l’investissement privé, dans un contexte où les capitaux affluent vers les États-Unis et la Chine.

La question du code de pratique devient alors un test de crédibilité pour l’AI Act : servira-t-il à structurer un écosystème souverain, ou dissuadera-t-il les champions émergents de s’installer en Europe ?

Un code de pratique mais aussi et surtout un bras de fer politique.

À travers le code de pratique de l’IA, c’est une lutte de leadership qui se joue. Microsoft choisit l’intégration, Meta choisit la confrontation. Derrière cette opposition, l’Europe affirme une ambition claire : devenir un pôle de régulation et de confiance en matière d’intelligence artificielle.

Mais l’histoire n’est pas encore écrite. Le succès du code dépendra de son adoption massive, de la clarté de son application, et de sa capacité à créer un terrain d’innovation sécurisé, sans dissuader les talents ni les investisseurs.

Au-delà du texte, c’est la capacité de l’Europe à peser dans la géopolitique technologique mondiale qui se dessine. Entre souveraineté et ouverture, entre règles et innovation, l’équilibre reste à inventer.

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