La course mondiale aux infrastructures d’intelligence artificielle s’intensifie et l’Europe peine à rivaliser avec les mastodontes américains et chinois. Scaleway, la filiale cloud du Groupe iliad, entend changer la donne avec AION, un projet d’ampleur inédite. Cette future « Gigafactory de l’IA » européenne, répondant à l’appel à projets de la Commission européenne et d’EuroHPC JU, veut incarner une alternative souveraine, ouverte et puissante.
Un projet ambitieux pour l’indépendance technologique européenne.
AION vise le déploiement de plus de 288 000 GPU de nouvelle génération – l’équivalent de 200 MW de capacité de calcul – pour alimenter les besoins massifs de l’IA générative, de l’analyse de données ou de la recherche.
Le projet repose sur trois piliers clés :
- L’ambition, soutenue par les 20 milliards d’euros investis par le Groupe iliad en Europe depuis 10 ans ;
- La souveraineté, avec un contrôle de toute la chaîne IA, du silicium à l’algorithme ;
- L’ouverture, via le soutien aux standards open source et aux coopérations public-privées.
Avec cette initiative, Scaleway entend poser les fondations d’une infrastructure européenne capable de rivaliser avec les hyperscalers américains (AWS, Azure, Google Cloud).
Une infrastructure pour reconquérir la maîtrise technologique.
Scaleway entend clairement démontrer son volontarisme industriel, dans le droit fil de sa stratégie IA déjà amorcée avec son cluster GPU de 2023, aujourd’hui utilisé par des chercheurs, start-up et entreprises françaises. En s’alliant avec des partenaires comme GENCI, Inria, Sopra Steria, Kyutai, Hugging Face ou SiPearl, AION s’inscrit volontairement dans une logique de consortium trans-européen.
En effet, la dynamique à la fois technologique, géopolitique et environnementale est ambitieuse et répond à un triple enjeu structurant pour l’avenir de l’intelligence artificielle en Europe.
1. Maîtriser les briques technologiques de l’IA pour contrer la domination extra-européenne puisque la quasi-totalité des infrastructures d’IA de pointe (GPU, modèles, plateformes logicielles) repose aujourd’hui sur des géants américains ou chinois.
NVIDIA, Google, OpenAI ou Tencent dictent les normes, les calendriers et les conditions d’accès aux ressources de calcul. En développant une infrastructure de classe mondiale en Europe, avec ses propres clusters de GPU et une chaîne logicielle maîtrisée, le projet AION ambitionne de briser cette dépendance structurelle. Il s’agit d’un prérequis si l’Europe veut conserver sa capacité à innover de manière souveraine, tant dans la recherche que dans l’industrie.
2. Garantir une chaîne de valeur sûre, éthique et durable – de l’énergie au code ; l’un des points forts du consortium AION repose sur sa vision intégrée : de l’approvisionnement énergétique bas carbone jusqu’au développement de logiciels open source, en passant par une gouvernance responsable des données.
Cette approche est essentielle dans un contexte où les préoccupations environnementales, éthiques et de cybersécurité deviennent indissociables des enjeux de performance. Le choix de partenaires comme Inria, GENCI, ou Hugging Face souligne l’ambition de construire un écosystème de confiance, fondé sur la transparence, l’interopérabilité et l’impact mesuré.
3. Renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne dans un contexte géopolitique incertain. Il est un fait établi, c’est que la guerre en Ukraine, les tensions commerciales sino-américaines et la régulation extraterritoriale croissante des technologies ont brutalement rappelé à l’Europe sa vulnérabilité numérique.
L’IA, par sa transversalité, touche à tous les secteurs : défense, santé, industrie, médias, éducation. En dotant le continent d’une infrastructure capable de rivaliser avec les hyperscalers mondiaux, AION contribue à redonner à l’Union européenne les moyens de son ambition : une souveraineté numérique concrète, et non simplement déclarative.
Une implantation française intéressante.
L’hébergement potentiel du projet en France, via OpCore, la joint-venture du groupe iliad dédiée aux datacenters, renforce encore la portée stratégique de cette initiative. Grâce au mix énergétique bas carbone français – l’un des plus performants d’Europe – et à un réseau électrique parmi les plus fiables du continent, la France offre un terreau idéal pour l’accueil de ce type d’infrastructure intensive.
Cela aurait pour bénéfice de seulement minimiser l’empreinte environnementale du calcul haute performance, mais aussi de garantir une maîtrise opérationnelle totale, condition clé dans des environnements critiques.
AION, la réponse européenne au défi de l’IA.
En lançant AION, Scaleway ne se contente pas de rêver une Europe technologique souveraine : elle propose un modèle opérationnel, réaliste et aligné avec les besoins du secteur. Le soutien institutionnel, la compétence industrielle et la volonté politique seront décisifs pour faire de ce projet une véritable Gigafactory de l’IA européenne. Reste à savoir si les autres grands acteurs européens accepteront l’invitation lancée par Scaleway.