Prime Video avait promis une expérience fluide. Elle sera désormais rythmée par des coupures publicitaires plus longues. Depuis l’introduction de la pub début 2024, Amazon a discrètement augmenté sa durée : on passe de 2 à 3 minutes à 4 à 6 minutes de publicité par heure. Officiellement, c’est pour soutenir les créateurs et garantir des tarifs compétitifs. Officieusement, c’est une mutation profonde du modèle économique du service. Et les abonnés, eux, n’ont pas vraiment eu voix au chapitre.
La pub sur Prime Video devient donc la norme
Lorsqu’Amazon a introduit la publicité sur Prime Video en 2024, la méthode a surpris : pas de formule gratuite financée par la pub comme chez Spotify ou YouTube, mais un modèle inversé. Tous les abonnés Prime ont reçu la version avec publicité par défaut. Pour s’en débarrasser, il fallait payer un supplément, ce qui crée une double monétisation : par l’abonnement, et par la pub.
Dès le départ, Amazon avait délibérément opté pour une approche douce : une pression publicitaire modeste, de l’ordre de 2 à 3 minutes par heure, afin d’habituer progressivement les utilisateurs à cette nouvelle réalité. Mais cette phase d’acclimatation était une stratégie bien pensée. En juin 2025, comme l’a relevé Adweek, la durée est passée à 4 à 6 minutes par heure. Soit un doublement du volume publicitaire en moins de 18 mois.
Ce changement, peu visible pour le grand public, a été communiqué directement aux annonceurs. Amazon indique analyser l’impact potentiel sur l’expérience utilisateur, ainsi qu’une baisse anticipée du CPM (coût pour mille impressions). Le message est clair : la plateforme ajuste ses paramètres en fonction de ses revenus, pas des attentes des abonnés.
Prime Video : un virage progressif, mais assumé
Pourquoi Amazon mise sur la publicité imposée ?
Le marché mondial du streaming est sous tension. La course aux abonnements ralentit, les contenus exclusifs coûtent toujours plus cher, et les marges se resserrent. Dans ce contexte, la publicité devient un levier incontournable. Tous les grands acteurs l’ont compris : Netflix, Disney+, Max (ex-HBO), Peacock… Tous proposent désormais des formules financées par la pub. Mais Amazon va plus loin.
Au lieu d’introduire une offre à prix réduit avec publicité, Amazon impose la pub à tous les abonnés Prime Video. Il faut payer un supplément pour revenir à l’expérience sans interruption. C’est une stratégie à rebours de la promesse initiale du streaming : proposer un accès illimité et sans pub. Là, Amazon retourne le modèle : on paie pour être abonné, puis on paie à nouveau pour éviter la pub.
Pourquoi ce doublement n’est pas une surprise ?
Dès octobre 2024, Amazon avait averti ses investisseurs de sa stratégie : augmenter progressivement le volume de publicité pour maximiser ses revenus publicitaires sans trop heurter l’expérience utilisateur. Ce type d’approche progressive est connu dans les industries culturelles : on introduit un changement en douceur, puis on l’accélère une fois l’habitude installée.
Aujourd’hui, les 4 à 6 minutes de pub par heure restent inférieures aux standards de la télévision linéaire, qui peut aller jusqu’à 13 à 16 minutes par heure aux États-Unis. Mais la tendance est claire : Prime Video se rapproche d’un modèle télévisuel, sans en assumer le nom.
Le streaming “premium avec pub” devient la norme ok, mais à quel prix ?
Cette politique s’inscrit dans une tendance plus large : la fin du mythe d’un streaming sans publicité. En 2025, presque toutes les plateformes majeures proposent une version avec pub. Mais chez Amazon, la spécificité, c’est l’absence de choix initial. Le public n’a pas tranché, la plateforme a décidé pour lui.
Pour l’instant, les réactions des abonnés restent contenues, sans doute parce que Prime Video reste inclus dans un package plus vaste (livraison, musique, stockage, etc.). Mais cette approche pourrait à terme provoquer un malaise croissant. Le sentiment d’être captif d’un modèle évolutif, où les conditions changent sans concertation, nourrit un climat de méfiance.
Amazon suit une logique de rentabilisation maximale : chaque minute de visionnage devient monétisable, chaque utilisateur un vecteur de revenus. C’est une vision de la plateforme comme un espace marchand total, où le contenu n’est qu’un support à la valorisation publicitaire. Un modèle assumé, mais qui éloigne Prime Video de sa vocation initiale de service premium.
La publicité Prime Video, nouvel horizon ou ligne rouge ?
Le virage opéré par Amazon n’est pas un simple ajustement technique. Il illustre un basculement profond dans la manière dont les plateformes conçoivent leur rapport à l’abonnement, à la publicité et aux attentes des utilisateurs.
Prime Video devient un laboratoire du streaming payant avec publicité imposée. Un modèle où l’abonné finance à la fois l’accès et la monétisation. Si cette approche s’installe durablement, elle pourrait reconfigurer l’ensemble du secteur.
Mais jusqu’à quand les utilisateurs accepteront-ils de payer pour voir de la publicité ? Le streaming peut-il rester perçu comme une alternative premium si les interruptions se multiplient ?
La vraie question n’est peut-être pas combien de minutes de pub sont diffusées, mais qui fixe les règles dans une relation entre plateforme et abonné devenue asymétrique. Et à ce jeu, Amazon semble déjà avoir pris une longueur d’avance.