Le réseau social amorce une transformation majeure. Face à l’érosion continue de sa base d’utilisateurs jeunes et à la domination écrasante de TikTok dans l’univers de la vidéo courte, Facebook engage une refonte profonde de sa stratégie vidéo. À partir des prochains mois, toutes les vidéos publiées sur la plateforme adopteront le format vertical, désormais unifié sous l’étiquette « Reels ». Ce virage mobile-first enterre définitivement les formats horizontaux hérités de l’ère desktop, dans une tentative audacieuse mais risquée de s’aligner sur les standards visuels des nouvelles générations.
Meta uniformise le format vidéo sur Facebook au profit des Reels.
Dans un billet publié mardi sur le blog officiel de Facebook, Meta a officialisé sa décision de généraliser les Reels, ces vidéos verticales initialement pensées pour concurrencer TikTok, à l’ensemble des contenus vidéo du réseau. À court terme, toute vidéo publiée sur la plateforme sera convertie automatiquement au format Reels. Fini la distinction entre les vidéos classiques, les stories ou les Reels : Facebook rationalise son offre pour proposer une expérience unifiée et simplifiée.
Le changement ne se limite pas à l’apparence : la plateforme annonce la disparition de l’onglet « Vidéos », remplacé par un espace « Reels » repensé pour offrir des recommandations personnalisées, inspirées de l’usage des utilisateurs et pilotées par l’intelligence artificielle. Autre évolution notable : la suppression de la limite de durée, permettant aux créateurs de publier aussi bien des capsules de quelques secondes que des formats plus longs — une manière de s’aligner sur les logiques de YouTube, tout en conservant les codes visuels de TikTok.
Côté création, les outils d’édition seront enrichis : les utilisateurs pourront facilement ajouter de la musique, insérer des effets visuels, ajuster la lumière ou encore supprimer le bruit de fond, directement depuis l’application mobile. Objectif : baisser les barrières à l’entrée pour stimuler la production de contenus natifs, sans nécessiter de logiciels tiers.
Facebook tente une mue radicale pour enrayer son vieillissement démographique.
Cette bascule intégrale vers le format Reels illustre à quel point Facebook est confronté à un défi existentiel : comment rester pertinent dans un univers numérique désormais dominé par des plateformes pensées dès l’origine pour le mobile, comme TikTok, Instagram ou Snapchat ? Alors que l’âge moyen des utilisateurs Facebook ne cesse de grimper — un phénomène documenté depuis plusieurs années — Meta semble prêt à abandonner une partie de son héritage pour tenter de séduire à nouveau les moins de 30 ans.
L’unification des formats et l’abandon du mode horizontal sont révélateurs d’une tendance de fond : la verticalité est devenue la norme de consommation de contenus en mobilité. À l’inverse, les formats longs, horizontaux, immersifs ou narratifs (hérités du web ou de la télévision) semblent de plus en plus relégués à des niches. Cette évolution, dictée par l’usage, pousse Facebook à réorganiser son interface autour d’une logique algorithmique, où la personnalisation prime sur la structuration.
Mais cette stratégie soulève plusieurs interrogations. D’abord, Facebook ne risque-t-il pas de brouiller encore davantage son identité, en se rapprochant trop visuellement et fonctionnellement de TikTok ?
Ensuite, qu’adviendra-t-il des créateurs de contenus qui misaient encore sur les vidéos longues, pédagogiques ou immersives — comme les vulgarisateurs scientifiques, les journalistes ou les cinéastes indépendants ? Enfin, la plateforme parviendra-t-elle à concilier cette évolution avec les attentes de son public historique, souvent plus âgé, attaché à des formats moins « zappables » ?
Une fuite en avant vers la standardisation ou une relance réussie ?
Avec ce passage en force vers les Reels, Facebook entérine une nouvelle ère de son existence : celle d’une plateforme mobile, centrée sur la vidéo verticale, portée par l’instantanéité et optimisée pour l’algorithme. Ce pari, qui vise à restaurer l’attractivité de Facebook auprès des jeunes, pourrait bien fonctionner… à condition que la plateforme réussisse à se différencier et à proposer une expérience réellement enrichissante.
Mais en adoptant toujours plus les codes des concurrents, Meta prend aussi le risque d’une dilution de son identité, au point de devenir une sorte de patchwork fonctionnel. Reste à voir si les créateurs suivront — ou s’ils préféreront investir des plateformes qui ne leur imposent pas un moule unique. Pour Facebook, le défi ne fait que commencer : séduire sans se renier, évoluer sans s’effacer.